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Village de Zaba dans le Nayala : « Moussobadoro », une fête atypique qui honore les femmes mariées

"Moussobadoro" constitue l'une des prestigieuses fêtes traditionnelles de Zaba, village marka de la commune de Gassan, situé à 45 km de Toma dans la province du Nayala. Elle se tient deux années consécutives avec une pause à la troisième.

Sa particularité tient au fait qu’elle ne concerne que les femmes mariées du village. Une fête atypique qui garde toute son originalité, sa popularité, son charme et aussi son côté traditionnel.

A l’origine, le « massakè » (chef coutumier) vénérait un fétiche dénommé « so séri », apparu au village miraculeusement après une grande pluie. Un jour, raconte-t-on, en rentrant de la brousse, à environ deux kilomètres du village, une voix l’aurait interpellé en ces termes : « Si vous vénérez cette colline, votre village connaîtra la prospérité ». L’année qui suivit, le « massakè » fit des offrandes à « so séri » sur la colline qu’il baptisera « bèrèba », pour solliciter la protection et la prospérité du village. Ses vœux, selon les témoins, ont été exaucés. Le village connut la prospérité agricole et la paix. D’autre part, dans cette contrée, la coutume autorisait les épouses à prélever un peu de mil de la ration quotidienne pour acheter les condiments. Grâce à la succession des années d’abondance, elles ont pu constituer une bonne épargne avec le mil qu’elles prélevaient.

Elles parvenaient, non seulement à payer convenablement ce qu’il faut pour la sauce, mais aussi à subvenir à leurs petits besoins. C’est ainsi qu’elles vont demander au « massaké », de les intégrer au rituel annuel consacré à « bèrèba ». Très enthousiastes, elles organisent alors une réjouissance en préparant du dolo (bière de mil) pour offrir aux fétiches qui « protègent leurs maris dans la brousse et qui leur apportent l’abondance ». Pour permettre à toutes les femmes du village, y compris les moins nanties de prendre part à la danse, elles ont décidé de ne se contenter que de deux pagnes.

L’un est noué à la hanche et le second à la poitrine. La fête dure deux jours. La première journée est consacrée à l’offrande à « so séri » et la deuxième journée à « bèrèba ». Lorsque les autres points sacrés se sont révélés au village, une troisième journée s’y est ajoutée, à eux consacrée. Ainsi, la célébration va donc passer de deux à trois jours. Contre toute attente, le village fut frappé par un déficit céréalier. Le temps de gérer la disette, les femmes décident d’observer une pause d’une année, d’où l’instauration de la pause d’une année après une célébration de deux années consécutives. A quatre jours de la fête, commence la préparation du dolo qui sera destiné aux sacrifices.

Ce n’est que la veille du jour du « massakè » que les villageois seront autorisés à préparer leur dolo. Jusqu’à ce jour, à l’exception des familles musulmanes, cette tradition est respectée à Zaba. Avec l’ancrage de la religion chrétienne, certaines familles chrétiennes s’en mêlent toujours, non pas pour les fétiches, mais pour prendre part à la réjouissance. Il faut noter que le dolo du « moussobadoro » n’est pas vendu. Il est offert gratuitement. De même et durant les trois jours de la célébration dans le village, la vente de dolo y est interdite. Fait notable, la danse du « moussobadoro » est exclusivement exécutée par les femmes mariées dans le village de Zaba ou ayant épousé un fils du village.

Une fille du village qui est mariée dans un autre village n’est pas autorisée à danser, et celle du village mariée sur place n’est autorisée à danser qu’après deux accouchements. Cependant, la fille d’un autre village qui se marie à Zaba est autorisée à danser même sans avoir enfanté.

Une fête ancestrale
Sur l’aire de la danse, les femmes exécutent les pas en file indienne, un bâton à la main droite et une queue de bœuf à la main gauche. La danseuse n’a que son pagne habituel et un autre pagne noué à la poitrine. Les pagnes traditionnels en soie sont les plus utilisés pour la danse et certaines danseuses se parent de cauris. Au premier jour, la célébration débute vers 16 heures par le sacrifice au premier fétiche du village « so séri ». Le « massaké », en bonnet rouge, fait au fétiche une offrande composée d’eau, de dolo et de poulets. Sur le site, il a à ses côtés son protocole « zorakè », la représente des femmes « massa mousso », et le représentant de la famille peulh (témoin de la révélation du bèrèba).

Lorsque le poulet immolé tombe sur le dos, cela signifie que les mânes ont accepté l’offrande et que les femmes sont autorisées à danser. Il est strictement interdit d’enregistrer ou de filmer cette phase des sacrifices. Après quoi, le « massaké » qui ne rejoint pas immédiatement sa résidence, reste dans la case-fétiche jusqu’à la fin de la célébration. Le deuxième jour, vers 13 heures, les femmes se rendent sur les cinq points sacrés autour du village aux pas de danse. Cette tournée prend fin au crépuscule à côté de la case sacrée. Il est autorisé de filmer ou d’enregistrer toutes les étapes de cette cérémonie.

Le premier acte de la cérémonie du troisième jour se déroule sur le « bèrèba », la colline sacrée située à environ deux kilomètres du village. Le « massaké » et son cortège se rendent les premiers en ce lieu à petits pas en marquant sept arrêts. La foule, en général compacte, ne les rejoint qu’après leur arrivée au bas de la colline. Dans le groupe, il y a ceux qui veulent solliciter l’aide du « bèrèba » pour la prospérité de leurs activités ou sa protection. On retrouve un autre groupe qui, en signe de reconnaissance, vient remercier le fétiche pour avoir obtenu une aide quelconque. Chacun apporte du dolo et un poulet pour le sacrifice. Pour se rendre sur le « bèrèba », les tenues de couleur rouge sont interdites et toutes les personnes de sexe féminin se doivent d’être habillées comme les danseuses, à savoir un pagne autour de la taille et un autre pagne noué à la poitrine.

Tout comme sur le « so séri » c’est quand l’offrande du « massakè » est acceptée que les femmes sont autorisées à danser et que le public peut grimper sur la colline. Là aussi, Il est strictement interdit d’enregistrer ou de filmer. C’est à cœur joie que les jeunes s’adonnent à l’alpinisme sur cette colline d’environ 300 mètres d’altitude. Quant aux danseuses, elles sont astreintes d’escalader trois fois cette hauteur avant de regagner leur domicile. Pour les femmes en difficulté de fécondité, le sommet de la colline est une aubaine.

Les griots, incontournables
En effet, assises sur la pierre baptisée « de la fécondité », elles psalmodient à voix basse ou intérieurement des prières, sollicitant son aide. Au terme des trois escalades, le « massakè » et le public rejoignent le village. Le deuxième acte du troisième jour commence toujours à la même heure que les jours précédents, aux environs de 16 heures. Après s’être bien parées, les femmes se retrouvent de nouveau à côté de la case sacrée pour danser. Il est autorisé de filmer ou d’enregistrer cette phase, mais les tenues de couleur rouge y sont interdites. Le crépuscule sonne la fin de la réjouissance. En effet, c’est en ce moment que le « massakè » prend rendez-vous avec le public pour l’année suivante. Après la clôture des manifestations, les griots « prennent en otage » les femmes étrangères nouvellement mariées au village.

Pour libérer son épouse, le mari apporte un coq et les griots chantent ses louanges et ceux de la femme. Cette pratique a des non-dits. On apprend donc que pour faire leur apologie, certains jeunes corrompent à l’avance, à travers de gros coqs, les griots en leur demandant de les combler de louanges pour avoir épousé une fille d’un autre village. Ainsi, la pratique s’est finalement ancrée dans la tradition. Les retombées matérielles de la célébration du « moussobadoro » sont réparties entre les responsables des autres confessions religieuses. De l’avis du « massaké », Niamba Pazini, la célébration du « moussobadoro » ne peut pas prendre fin comme la célébration du « zonkoro ». Il s’agit d’une autre fête traditionnelle célébrée dans les villages de Kamina, Lesséré Kota, Gui, Koussiba, Soro et Gassan.

« Nous ne pouvons laisser tomber cette célébration pour plusieurs raisons : c’est une cérémonie de vénération des fétiches du village. Les fétiches ne sont pas pour les villageois uniquement. Des gens viennent de partout et même hors du pays pour solliciter leur aide pour la prospérité de leurs affaires, leur santé ou la fécondité. Cette fête est l’identité du village de Zaba. Nulle part vous trouverez une célébration identique », souligne-t-il. Entre autres raisons, elle offre une occasion de retrouvailles aux filles et fils du village. A l’approche de la fête, tous les jeunes du village qui sont allés à l’exode font tout pour rentrer. Toutes les autres fêtes (Noël, Pâques, Tabaski, Ramadan) sont célébrées partout. En outre, la célébration du « moussobadoro » pousse beaucoup de femmes des villages environnants à venir se marier à Zaba et la foule qui arrive fait entrer de l’argent dans le village.

C’est vrai que les gens ont à boire beaucoup et gratuitement, mais il ne doit jamais avoir de bagarre ou « aller » avec une femme mariée. Tous ceux qui ont eu à violer la tradition en savent quelque chose. En plus, tous ceux qui viennent au « moussobadoro » rentrent sains et saufs chez eux et la célébration ne peut se passer sans qu’il ne pleuve.

Source: Fraternité Matin – Paul DRABO (AIB-Nayala)

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