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La population ivoirienne

Comme la plupart des autres états subsahariens, la Côte d'Ivoire a des frontières qui ont été tracées lors de la colonisation, sans égard pour les réalités ethniques et culturelles.

C’est un carrefour composé de peuples, de cultures et de religions très diverses, même si l’on ne prend pas en compte les étrangers (un quart de la population globale), dont, rappelons-le, plus de 47 % sont nés dans le territoire. Toujours est-il que la Côte d’Ivoire est aujourd’hui une véritablemosaïque culturelle, source à la fois de diversité et donc de richesse, mais aussi de rivalités, de tensions et de turbulences. J. Vallin in J.A./L’Intelligent, 25.10/06.11.2000 : 36). C’est pourquoi il semble intéressant de montrer la répartition de la population par groupes ethniques telle qu’elle figure dans les pages publiées du dernier RGPH.

Pour la lecture de la carte et du tableau ci-joints, un certain nombre d’explications semblent nécessaires :

– D’une part, toutes les ethnies du pays (on en compte une soixantaine) ne sont pas mentionnées. Seules figurent celles qui comptent environ une centaine de milliers de ressortissants. Telle est la raison pour laquelle le pourcentage par rapport au groupe ethnique n’est jamais égal à 100 %.
– Généralement, les appellations habituelles, en français, des ethnies ne diffèrent pas des appellations désignant, dans le parler ordinaire, la langue usitée par le groupe : ainsi les Baoulé (4) parlent le baoulé. Ce n’est pas toujours le cas cependant. « Sénoufo » désigne un groupe ethno-culturel important dont les langues sont, entre autres, le syènambélé, le tagbana, le djimini et le palaka. Mais il est assez fréquent que des documents administratifs parlent globalement de langue sénoufo. Nous avons cru préférable, par conséquent, de ne pas modifier les dénominations utilisées par les sources consultées.
– Cependant, la carte linguistique ci-dessous, pour être lisible dans le format du livre, exigeait une assez grande simplification, par exemple pour les langues lagunaires, nombreuses sur un espace limité. Elle permet malgré tout d’avoir une représentation schématique de la répartition des quatre groupes de langues ivoiriennes.
– En résumé donc, le pays peut être découpé en 4 zones ethniques, selon des critères essentiellement linguistiques et culturels ainsi que selon un clivage approximatif est /ouest /nord /sud. Chacune de ces zones ethno-linguistiques se poursuit d’ailleurs à l’extérieur des frontières ivoiriennes dans un ou plusieurs des pays voisins.

Les Akan

Ils constituent un peu moins de la moitié de la population de nationalité ivoirienne (42 %) et un peu moins d’un tiers de la population globale. Ils occupent approximativement le sud-est. Comme pour le RGPH de 1988, la progression démographique actuelle du groupe se situe dans la moyenne nationale (3 251 228 en 1988 / 4 780 797 en 1998). Ils parlent des langues relevant du groupe Kwa de la famille Niger-Congo (au total à peu près 17 langues comptant de nombreux dialectes) entre lesquelles il est d’usage de distinguer:

– les langues akan proprement dites : abron, agni, baoulé,
– et les langues lagunaires : abé, abidji, abouré, adioukrou, alladian, akyé, avikam (: brignan), ébrié, éga, éhotilé, essouma, krobou, m’Batto, n’zima. (Expression du parlé, Nouvelles Editions Ivoiriennes, 1999).

Arrivés en Côte-d’Ivoire par vagues successives entre le 17 et le 18ème siècle, les Akan ont schématiquement pour caractéristiques culturelles :

– un système politique centralisé (royaumes Abron, Sanwi, Indénié,…),
– un système de parenté à succession matrilinéaire,
– une organisation sociale hiérarchisée juxtaposant nobles, hommes libres, captifs* et descendants de captifs,
– l’existence de classes d’âge, notamment chez les Lagunaires.

Ce groupe a connu de nombreuses transformations depuis la colonisation : forte scolarisation des garçons et des filles, christianisme ou syncrétismes religieux, agriculture d’exportation diversifiée et rémunératrice, urbanisation intensive, extension démographique vers l’ouest.

Les Krou

Ils constituent 11 % de la population d’origine ivoirienne. Ils occupent le sud-ouest. Par rapport au RGPH de 1988, leur poids dans la population globale a diminué, passant de 14, 6 à 8, 4 %. (1 136 291 en 1988 ® 1 446 790 en 1998).

Ils parlent 16 langues assez nettement apparentées et relevant du groupe Kru [kru] de la famille Niger-Congo : ahizi, bakwé, bété, dida, gnaboua, godié, guéré, kodia, kouya, kouzié, krou (: kroumen*), néyo, niédéboua, oubi, wané, wobè. (Expression du parlé, Nouvelles Editions Ivoiriennes, 1999). Là aussi, on peut observer un certain flottement dans les appellations : ainsi Guéré et Wobé appartiennent en fait à l’ethnie Wè.

Installés sur le territoire forestier actuellement occupé depuis vraisemblablement la préhistoire, ce groupe est caractérisé par son fractionnement en petites communautés indépendantes, sans pouvoir central, au sein desquelles la seule autorité reconnue est celle de l’aîné du patrilignage, au centre d’un réseau très complexe de relations inter-lignagères La colonisation a connu de nombreuses difficultés à s’imposer dans cette région forestière. Mais les transformations ont ensuite été rapides : taux élevé de scolarisation des garçons et des filles, christianisme et religions syncrétiques chez les autochtones. L’agriculture dynamique (cacao surtout), les produits vivriers, et l’exploitation forestière ont attiré de nombreux allogènes*, tant étrangers qu’ivoiriens. Ainsi, par exemple, dans la région krou du Haut Sassandra ( départements de Daloa, Issia, Vavoua) sur un total de 1 071 977 résidents, les Krou sont seulement 187 727, alors que les Akan sont 238 221, les Mandé nord : 124 919, les Mandé sud : 72 788, les Gour : 65 330 et les non Ivoiriens : 373 422. Dans la région du Bas Sassandra, la proportion des autochtones est encore plus faible, 163 070 contre 435 840 Akan, 75 565 Mandé nord, 41 530 Mandé sud, 74 465 Gour et 596 844 non Ivoiriens. Des faits de même nature peuvent être observés dans l’ensemble de l’aire krou. Ce qui ne va pas sans créer un certain malaise dans cette région, particulièrement avec la crise économique qui vient de secouer la Côte d’Ivoire et avec l’infiltration d’anciens combattants armés venant du Libéria.

Les Mandé

Il est d’usage d’opérer une partition linguistiquement et culturellement justifiée entre deux sous-groupes séparés depuis fort longtemps et ayant évolué dans des environnements très différents.

Les Mandé-sud

Ils représentent 10 % de la population ivoirienne. Ils sont installés de longue date dans le centre et le centre ouest, au nord de l’aire krou. Au nombre de 831 839 en 1988, ils sont, en 1998, 1 142 336.

Ils parlent des langues relevant du groupe mandé mais nettement différenciées : gagou (: gban), gouro, mona, n’gain, ouan, toura, yakouba (: dan), yaourè. (Expression du parlé, Nouvelles Editions Ivoiriennes, 1999).

L’unité politique de base est le village*. Ils sont patrilinéaires. Le masque* occupe une place essentielle dans leur société. Ils ont un artisanat traditionnel tout à fait remarquable (masques, ponts de lianes,etc.)

La colonisation s’est imposée difficilement dans ces régions. Mais l’agriculture s’est développée et est maintenant semblable à celle des groupes kru .

Les Mandé-Nord

Ils représentent 16,4 % de la population ivoirienne et occupent le nord ouest ainsi que une partie centrale du nord autour de la ville de Kong. Au nombre de 1 236 129 en 1988, ils sont 1 873 200 en 1998 .

Ils parlent des langues très fortement apparentées du groupe mandé de la famille Niger-Congo : bambara, dioula*, gbin, malinké (mahou, koyaka, etc.), nigbi. (Expression du parlé, Nouvelles Editions Ivoiriennes, 1999). Une variété de malinké, le dioula tagboussi [: de brousse] s’est imposée comme véhiculaire dans les échanges nord /sud et dans les villes de Côte d’Ivoire. Il est vrai que cette langue permet également les échanges commerciaux avec les populations mandéphones d’un grand nombre de pays de l’Afrique de l’Ouest : Mali, Burkina, Guinée, etc.

Dès le 13ème siècle, la cité de Kong constituait un centre commercial réputé qui servait de carrefour entre le pays de la cola (Worodougou) et les villes du Soudan occidental. Par vagues successives du 14 au 18ème siècle, les Mandé s’installèrent dans le nord-ouest.

La société mandé est organisée en lignages patrilinéaires dominés par l’autorité patriarcale. Plusieurs lignages constituent un village, plusieurs villages un canton et plusieurs cantons une chefferie* (ou un royaume). La société est divisée en castes* et caractérisée par une forte islamisation. Ainsi, Binger, lors de son séjour à Kong, (1887-1889), mentionne l’existence d’une vingtaine d’écoles coraniques dans la région et note : »L’instruction est très développée à Kong : il y a peu de personnes illettrées. L’arabe qu’ils écrivent n’est pas ce qu’il y a de plus pur ; on est cependant étonné de les voir aussi instruits, car aucun Arabe n’a jamais pénétré jusqu’à Kong. »(1892 : 326) (5).

Les Gour (ou Voltaïques)

Ils représentent 17,5 % de la population d’origine ivoirienne et occupent le nord-est. Au nombre de 1 266 234 en 1988, ils sont 2 002 625 en 1998.

Ils parlent des langues Voltaïques [gur] de la famille Niger-Congo : birifor, degha (: deya), gondja, gouin (: kirma), kamara, komono, koulango, lobi, lorhon (: téguéssié), nafana, samogho, sénoufo (syènambélé : tagbana, djimini, palaka), siti (: kira), toonie. (Expression du parlé, Nouvelles Editions Ivoiriennes, 1999).

Les Gour, installés depuis plus d’une dizaine de siècles, dans les savanes du Nord, sont organisés en grands lignages matrilinéaires (à l’exception de ceux de Boundiali qui sont patrilinéaires). L’unité politique est le village et l’institution centrale des Sénoufo est le poro dont les femmes sont exclues et qui marque profondément leur organisation sociale et leur culture. Le Sandoho féminin, lui, assure la pérennité des matrilignages et fournit les devins.

Essentiellement agriculteurs et artisans, traditionnalistes, animistes ou islamisés, les Gour sont restés dans l’ensemble pendant longtemps assez en marge de la scolarisation et de la modernisation.

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